Improviser !

Ecrire, jouer et mettre en scène des histoires, spontanément…

Prendre des risques face au public

October 25th, 2010 · 7 Comments

Une réalisation suite au spectacle d’hier soir : je suis étonné de constater la tolérance que le public peut avoir envers un comédien qui monte sur scène “sans rien”.

Il existe un délai lorsque l’on monte sur scène - mais également  au milieu d’une scène suite à une proposition risquée ou une absence de proposition - pendant lequel le public nous suit sans nous lâcher alors que l’information est incomplète.

C’est un délai théorique de tolérance du public que j’utilise dans mes cours. Je l’utilise pour expliquer à mes élèves qu’il n’est pas nécessaire de “monter avec quelque chose” (un objectif, une émotion, un personnage, etc…). On peut tout à fait monter “sans rien” et tout découvrir sur scène. Ce qui ne veut pas dire que je cautionne le fait qu’il ne se passe rien au début de la scène! Mais le public projette naturellement sur l’acteur qui monte sur scène, ce qui crée cette zone de tolérance face à l’incertitude. Dans mes cours, lorsque j’enseigne cela, j’estime ce délai à 20 secondes. C’est aussi le délai que Keith Johnstone donne en général dans ses ateliers.

En pratique quand je suis sur scène, avec la pression, j’estime personnellement ce temps plutôt à 5 voire 10 secondes maximum. A l’issue de ce délai, je rentre généralement en mode “FAIS QUELQUE CHOSE!”

Mais pas hier soir. Peut-être est-ce dû à l’atelier que nous a donné Becky Johnson mercredi dernier, ou aux conditions spécifiques de ce spectacle, ou à la confiance que j’avais dans le groupe, mais j’ai essayé de pousser un peu plus. Et suite à quelques scènes du spectacle d’hier soir, je me rends compte qu’on peut tout à fait pousser ce délai à 30 secondes, voire une minute. C’est un délai tolérable pour le public tant que le comédien ne laisse pas transparaitre sa peur et agit en confiance.

Ce délai théorique est un outil qui nous permet, au début d’une scène ou au milieu d’une scène, d’explorer tout un pan de l’improvisation qui est généralement écarté lorsque, par peur, nous nous réfugions dans des univers, des personnages ou des techniques connues.

Tags: Réflexion

7 responses so far ↓

  • 1 timo // Oct 26, 2010 at 1:13 am

    Qu’est ce que tu entends par “rien faire sur scène” ?

    JE crois qu’un joueur qui arrive se met au milieu de scène puis avance au devant. Regarde la ligne des Vosges.

    S’il est le joueur est nourris intérieurement et qu’il laisse jaillir l’émotion qu’il ressens. Juste dans les yeux. Même de manière ténu il peux tenir plus d’une minute.

    Un joueur qui fait les cent pas sur scène et c’est tout…
    ne tiens pas plus de 5 secondes

    Tout dépend de ce que rien faire veux dire.

  • 2 Meng // Oct 26, 2010 at 2:50 am

    Salut Ian, j’ai assisté à votre spectacle ce dimanche et je l’ai trouvé très bon. C’est le premier Harold que je voyais en “live” et j’ai vraiment beaucoup apprécié. Bravo à vous :)

    Le point que tu soulèves ici m’intéresse beaucoup, parce que “entrer en scène sans rien” c’est justement quelque chose que j’ai du mal à faire moi-même, et je me suis déjà dit qu’il fallait que je tente l’expérience un jour.

    D’ailleurs, de mémoire, j’ai pas vraiment perçu ces moments de “découverte/recherche” pendant votre spectacle, est-ce que tu peux me rappeler sur quels scènes tu avais fait ça?

  • 3 jerry // Oct 26, 2010 at 11:03 am

    Bonjour,

    Tu parles souvent du Harold, tu as une vidéo ou un texte d’explication en français sur le concept ?

    Merci

  • 4 Ouardane // Oct 26, 2010 at 1:23 pm

    Je t’invite à venir voir le Harold en spectacle avant de le lire. La description papier ne dégage pas du tout toute la force d’un bon Harold, et ne contient pas la jubilation de voir l’histoire se construire.

    Sinon, il y a le livre de Del Close, des articles sur wikipédia, et sur improvencyclopedia mais c’est tout en anglais. Pas souvenir d’en avoir lu en français.

    Pour répondre au billet :
    Je crois que le public n’est pas vraiment tolérant. J’ai l’impression que le public, même d’improvisateurs n’arrive pas à concevoir l’idée qu’on puisse monter sur scène “sans rien”, je crois qu’ils pensent que dès qu’on monte, on sait précisément où on va.

    A partir de là, deux possibilités : soit l’acteur montre manifestement qu’il n’avait pas trop d’idées, ce qui passe par des décrochages, et du “remplissage”. Soit l’acteur tient son “rien”. Et la le public se dit “rho le salaud, il sait où il va, il nous fait mijoter, et il y a un truc trop cool à découvrir, et cette attente ne fait que monter la tension et l’envie de découvrir ce qui va se passer…”

    Lorsque j’ai commencé l’impro, on avait notre “joker” : si jamais t’as pas d’idée, creuse un trou. Tu trouveras toujours quelque chose au fond. C’était un bon “truc”, parce qu’on peut chercher pendant qu’on mime de creuser, parce que les autres savaient que le type allait avoir peut être besoin d’un coup de main.

    C’est clair que maintenant, je ne le ferai plus, sauf si je veux faire marrer mes petits camarades, et jouer un peu avec eux. D’abord parce que “faire quelque chose” lorsqu’on a pas d’idée, c’est perdre énormément de force. Ca envoie le signal, même inconscient, “j’ai pas d’idée !!”
    Ca force à rester dans sa tête en cherchant une idée.
    On ne peut pas creuser pendant une minute sans perdre le public.

    Alors que jouer avec soi même peut sans doute donner un bien meilleur résultat : “tiens, j’ai le coeur qui bat, je transpire, j’ai peur ?”, “j’ai le regard qui a tendance à se reposer toujours au même endroit, qu’est ce qu’il y a là ?”, etc.

  • 5 Jill Bernard // Oct 31, 2010 at 9:39 pm

    I do an exercise where I have the performer sit in a chair and do nothing for 1 minute. We don’t even really start to get nervous for them for 30 seconds. It’s only too nerve-wracking to continue at about a minute.

    I use the exercise to teach beginners that not saying anything is not the end of the world, it can be quite powerful.

  • 6 Haroun // Nov 17, 2010 at 3:20 pm

    Je pense que ne rien faire c’est déjà faire quelque chose.

    A partir du moment où l’acteur est sur scène, il suscite l’imaginaire. Un tableau totalement blanc est un tableau.

    En gros je suis d’accord avec toi sur l’indulgence du public que pour moi tu peux même encore solliciter dans le sens ou si tu viens sur scène et que tu ne fais rien.

    Tu joues “faire rien”. Cette distance à l’action laisse présager plein de chose. Tu ne fais pas rien tu joues le rien.

    Cool en tout cas la réflexion.

    H

  • 7 Bruno // Jul 26, 2012 at 1:58 pm

    On peut tenir un public en haleine, en “ne faisant rien”.
    Mais, à mon humble avis, il faut transpirer la présence de tout ses pores. Et comme le dit Ouardane, si l’on ne semble pas réfléchir à une idée, le public pense que l’on sait ou l’on va.

    Ca me fait penser à l’humoriste Mr Fraize ! http://www.youtube.com/watch?v=pxmcNplJufM

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