Jeudi dernier, j’ai animé deux ateliers d’improvisation d’une quarantaine de minutes chacun. Les participants etaient jeunes (20 ans en moyenne) et n’avaient pour la plupart jamais fait d’impro. Pour un coach, c’est un véritable défi de:
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faire apprécier l’impro à un public qui se sent bien souvent “mis à nu” en montant sur scène sans texte, qui plus est, devant des inconnus,
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commencer à enseigner quelques règles, et ne pas paraitre trop contraignant, auprès de personnes qui viennent surtout “pour essayer”.
Comment y parvenir? Bien souvent, les gens voient l’impro comme “un truc fun”, un défouloir, une sous-catégorie du théâtre plus accessible, demandant moins d’implication et de rigueur. Et c’est d’autant plus gratifiant pour le coach quand à la fin d’une séance, les participants en sortent en se disant: “Mince, l’impro, c’est vraiment plus profond que ce que je ne pensais…” ou encore “Je ne pensais pas qu’il y avait vraiment des techniques en impro pour devenir meilleur.”
Le comble du bonheur, c’est alors l’élève qui commence à réfléchir, qui vous dit par exemple: “Mais ce ‘non’, là, c’était vraiment un refus?” ou encore “C’est vrai que les gags à répétition, c’est difficile pour construire une scène.”
Des deux ateliers que j’ai animé, l’un a remporté un vif succès, l’autre moins. Pour faire simple, celui qui a bien marché comportait des jeux simples, énergiques et drôles, ce qui a dans un premier temps détendu l’atmosphère, transmis de l’énergie à chacun et a permis aux joueurs de devenir un peu plus confortables avec leurs corps devant les autres. Dans un deuxième temps, nous nous sommes concentrés sur un principe simple “Oui, et…” à travers plusieurs scènes libres et courtes.
J’ai été frappé par une des scènes que deux débutants complets sont parvenus à rélaiser, avec si peu de pratique. En général, lorsqu’il monte sur scène, le débutant fait en général tout ce qu’il pour NE SURTOUT PAS faire avancer la scène: refus, questions à répétitions, décrochages (“je n’y arrive pas…”)…
Dans cette scène, les deux joueurs devaient commencer chacune de leurs répliques par “Oui, et…” mais devaient surtout dans leurs répliques, montrer leur acceptation de la réplique précédente de leur partenaire, et la proposition qu’il faisaent en conséquence.
La scène qui a été jouée devant moi par ces deux jeunes improvisateurs était géniale en celà qu’ils acceptaient pleinement les propositions de leurs partenaires. En voici une retranscription.
La scène a lieu dans un supermarché, avec deux personnages. A un moment donné l’un des deux achète une chemise. La suite a lieu alors qu’ils sont tous deux aux cabines d’essayage…
[Coach] “Mais qu’est-ce que ça te fait d’avoir une chemise?”
[Joueur 1, qui a mis la chemise] “Oui, et elle est belle cette chemise”
[Coach, au joueur 2] “Vas y, accepte.”
[Joueur 2] “Oui, et elle est pas mal.”
[Coach, au joueur 1] “Elle est pas seulement “pas mal”, c’est la plus belle chemise du monde!”
[Joueur 1, convaincu] “Oui, et c’est la plus belle chemise du monde! Je suis le plus beau du monde dedans!” [Rires]
[Joueur 2] “Oui, et passe là moi!”
[Joueur 1] “Oui, et NON!” [Rires]
Incroyable! Le joueur était tellement convaincu de ce qu’il disait, était tellement dans son personnage, que malgré la règle du “Oui, et…”, il n’a pu s’empêcher de dire non. En aparence, c’est un refus. Mais en réalité, ça a tout d’une acceptation, et c’est la preuve que le joueur était totalement dans son jeu. Le public était complètement captivé par cet échange.
Le jeune improvisateur qui monte sur scène est bien souvent désemparé. Il fait appel à certains mécanismes de défense. Il ne comprends pas que sur scène, la vérité est ce qui touchera le plus son public, la précision est ce qu’il lui permettra de savoir où il est, l’acceptation lui permettra de pouvoir évoluer avec les autres et d’oser lui-même sur scène, etc… Le meilleur cadeau que le coach peut lui faire, c’est de lui apprendre rapidement les principes de l’impro, ces petites roues qui lui permettront de commencer à rouler sans avoir trop peur de tomber. Et comme toutes les petites roues, elles ont petit à petit vocation à disparaitre. Quel plaisir de voir l’improvisateur qui à travers son jeu sur scène, fait mine de se retourner sur son vélo pour dire “Regarde, regarde, je roule tout seul!” pour ensuite ajouter “…et j’adore ça!”
Dans ce cadre là – celui de débutants qui apprennent l’impro – il peut etre difficile de les pousser en avant, de les pousser à appliquer ces principes, à fortiori s’ils sont mal à l’aise sur scène, surtout devant le regard d’inconnus. Chez certains, le fait de pousser à apliquer un principe donné dans une scène, et d’insister dessus l’incitera à l’appliquer. Chez d’autres, celà ne résultera que dans un bracage de la personne vis à vis de cet enseignement.
Ainsi, tout le rôle du coach est de trouver le moyen de s’adreser à chacun, et de faire attention à ce que le message passe bien. Si les petites roues sont là pour ne pas tomber, certains refusent tout simplement de les mettre, bloqués par le regard des autres et la peur de l’inconnu. Au coach de trouver le moyen de les faire accepter par les joueurs.
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