Comment improviser un sketch comique ?

Pour créer spontanément un sketch comique en improvisation théâtrale, il est intéressant de s’intéresser à l’improvisation américaine, aussi appelée longform (qui n’est PAS ce que nous appelons les formats longs), qui a développé de nombreux outils et techniques pour atteindre efficacement ce but. Et en particulier au cœur de cette approche, c’est la notion centrale de jeu de la scène qui va nous intéresser.

Le jeu de la scène est un concept qui est évoqué dans Truth in Comedy, le livre de référence de l’improvisation américaine sorti en 1994. C’est un principe vivant qui ne cesse d’évoluer et d’être constamment redéfini par les différentes écoles et théâtres d’improvisation américains (iOUCBMagnet, Annoyance). On peut dégager cependant un certain consensus.

L’objectif du jeu de la scène est tout simplement de créer spontanément une scène qui pourrait être un excellent sketch.

Pour y arriver, on établit d’abord rapidement les informations fondamentales de la scène : Qui, Quoi, Qui, Où. Pour établir ces informations, on accepte les informations proposées par ses collègues improvisateurs et on construit sur ces dernières avec le principe du Oui et.

Ce qui n’est alors qu’une addition d’information doit rapidement devenir le postulat ou la réalité de base de la scène, c’est à dire un choix d’attitude ou d’objectif spécifique des personnages face aux informations de base. Cette réalité peut en soi déjà être drôle ou intéressante. Un autre moyen d’arriver à une réalité intéressante est de préciser la nature de la relation entre les personnages : qui ils sont l’un pour l’autre et que ressentent ils l’un pour l’autre.

Cependant, le postulat de départ même s’il est intéressant n’est pas encore un jeu de la scène à part entière. Ils ne le devient que quand les autres joueurs se sont mis d’accord tacitement sur le jeu qui est en train d’être joué. C’est là toute la virtuosité de ce style de jeu : se mettre d’accord sans le verbaliser sur ce qu’on est en train de jouer, puis le pousser à son paroxysme.

Beaucoup d’improvisateurs diront qu’il ne faut pas créer le jeu de la scène en l’imposant, mais le découvrir en observant les choses telles qu’elles se produisent et en restant ouvert aux possibilités. C’est ce qu’on appelle l’approche organique. C’est souvent là que les débats entre les praticiens du jeu de la scène s’enflamment sur ce qui est ou non un “vrai” jeu de la scène et sur l’apport d’une approche organique par rapport à une approche efficace.

Mais qu’on soit d’accord ou pas, il existe quelques techniques concrètes pour faire émerger le jeu de la scène.

La première consiste à identifier le premier élément bizarre. Pour confirmer qu’on est collectivement d’accord sur cet élément et que tous les improvisateurs l’ont bien identifié, il faut le répéter. A la troisième répétition, on a l’émergence d’un motif. A cause du comique de répétition, ceci est en général drôle mais pas suffisant pour devenir un jeu de la scène.

Pour devenir un jeu de la scène, il faut que cette répétition ait un effet sur les émotions, les attitudes, la relation, la dynamique et les personnages de la scène. Il faut donc être capable de réagir à cet élément bizarre de manière crédible, sans pour autant y réagir en créant une rupture narrative ce qui amènerait notre scène à devenir narrative.

La répétition d’un élément bizarre ou étonnant couplée à la réaction honnête à celui-ci constitue le jeu de la scène. La capacité collective à tacitement identifier, formaliser et développer ce jeu de la scène est la compétence fondamentale à maîtriser pour créer de manière systématique des scènes comiques improvisées.

Une fois le jeu de la scène identifié on a deux possibilités : l’amplifier ou le décaler* en se demandant “si ceci est drôle, qu’est-ce qui pourrait également être drôle dans la situation actuelle” ou “si ceci est drôle, dans quelle autre situation serait-ce encore plus drôle”. Quand on a amplifié ou décalé le jeu de la scène suffisamment, on coupe la scène juste avant que les improvisateurs et le public ne s’essoufflent.

* : A la place du terme “décaler”, on pourrait aussi utiliser le terme “explorer”. 

Pour travailler ces concepts en atelier

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Pour approfondir

Notions de base 

Techniques

Exercices

Analyses de jeux de la scène

Formes / Formats

Vidéos

Response

  1. […] Or le Long Form américain (que j’appelle personnellement “Long Form Thématique” ou “Long Form Organique” ou simplement “Harold” par opposition au “Long Form Narratif” et à la “Pièce Improvisée”) est plus un style de jeu qu’un vrai travail sur la longueur. Si vous êtes intéressés par ce style de jeu, j’ai centralisé plusieurs ressources à ce sujet ici et ici. […]

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