L’impro à la française : bataille pour le pouvoir, jeux de mots, cabotinages sexuels et gags ! Hommage aux québécois…

Ce soir, je suis allé voir un match d’improvisation. Je ne vais pas en voir souvent, car j’ai une certaine aversion pour ce format. Alors que c’est ce même format qui m’a poussé vers l’improvisation à l’origine…

J’ai longtemps pensé que c’est parce que j’évoluais dans le monde amateur que le format de match ne me plaisait pas. J’étais donc particulièrement enthousiaste à l’idée de me rendre à l’Elysée Montmartre pour assister au match “anniversaire” de la LIFI contre la LNI de Québec.

J’ai aimé le décorum, la salle et l’ambiance. Au son de “We Will Rock You”, nous tapions dans nos mains et frétillions d’impatience sur nos chaises en attendant les joueurs. J’étais chaud, bouillant d’impatience.

Et puis le match a commencé. Et puis…

Et puis rien. Je n’ai pas vu d’improvisation théâtrale. Je n’ai pas vu cette communion chaleureuse, cette rencontre entre deux équipes, ce plaisir de partager. Je n’ai pas vu de scènes. J’ai vu des bouts de scènes, des moments vrais. Mais pas de scènes…

J’étais déçu. J’étais même énervé. Énervé contra la performance des joueurs français, énervé contre les choix du public dans les votes et les étoiles, énervé d’avoir offert ce spectacle à Yvon Leduc, un des inventeurs du concept. Choqué que le public n’aie même pas daigné se lever à la fin du spectacle pour honorer un des concepteurs du format… Je suis encore très énervé au moment où j’écris ces lignes. Comment se fait-il qu’on passe autant de temps à ne pas jouer dans un match d’improvisation ? A quoi sert tout ce temps gâche hors des scènes en conventions, en pinaillages, en explications pesantes, en cabotinages ? Pourquoi siffler l’arbitre, lui qui est garant du jeu, et qui assure la qualité des scènes en recadrant les joueurs ? L’arbitre se plait-il dans le rôle de méchant, au point de ne même pas justifier ses fautes quand le capitaine québécois, à raison, insiste pour une explication ? Pourquoi à chaque annonce de la durée de l’impro par l’arbitre entend-on “5 minutes ? Oh la la !”. Énervé contre le public. Public qui par son rire, valide le comportement de certains joueurs. Ce qui fait rire ? Voici quelques-unes de ces “recettes du rire” :

  • La violence entre improvisateurs, qui passe souvent par les personnages : insulter l’autre marche bien.
  • Les cabotinages sexuels et scatophiles.
  • Les jeux de mots.
  • Les gags.

Où est le jeu ? Où est le beau jeu ?

Les québécois étaient excellents. Une présence dans l’instant, dans le moment. Une volonté de jouer et de ne pas retarder. De construire, d’aider l’autre. Tenir son personnage. En particulier, je voulais souligner le jeu de Réal Bosse et de Marie-Soleil Dion.

Réal Bosse est comme un enfant sur scène. Je n’ai pas noté le nombre incalculable de fois où son visage s’éclaire en regardant ses collègues sur scène alors qu’il est sur le banc, et qu’il se met à applaudir en voyant un beau moment d’improvisation. Il monte sur scène et il joue. Il joue comme un enfant joue à un jeu. Il est un peu canaille, cherche les autres, les toise… Il joue le jeu. Il s’amuse. C’est un vrai plaisir à voir.

Marie-Soleil Dion construit. Elle aide l’autre, propose, recadre. Donne un enjeu à la scène, souvent, rappelle cet enjeu, puis reconstruit là où les autres détruisent.

Les français m’ont déçu. Il y a dans le jeu de l’équipe française, mais de manière générale chez les improvisateurs français que je connais, une volonté à vouloir contrôler la scène (qui se traduit selon moi par une propension à jouer des statuts hauts). A revenir sans cesse sur les mêmes “outils du rire” cités plus haut. Comme s’ils cherchaient à se protéger. Là où dans le jeu québécois, il y a le plaisir du jeu, le gout du risque, dans le jeu français, il y a de la peur. Ils sont quasiment nus sur scènes, je ne vois que des “joueurs” qui se toisent, peu de “personnages”. La scène devient vite une bataille pour le pouvoir et le contrôle.

Tant de scènes ont commencé par des incertitudes totales, qui sont volontairement maintenues par peur de faire un vrai saut précis en avant dans la scène. Et surtout, un refus d’aller vers l’autre, une peur du contact. Combien de scènes ont vraiment commencé “en situation”? Si peu. Et bien souvent, ce sont les québécois qui ont proposé…

Un exemple : “Entre de belles mains”, à la manière de Molière, mixte, 8 min. La joueuse française commence par un monologue.

– “Ce jeune homme m’a l’air bien coquin. Aurait-il quelque chose derrière la tête? Laissons le nous aborder.”

Comment ne pas voir ici la joueuse s’adresser directement au joueur en disant clairement : “Je ne vais pas faire le premier pas, et en plus je te laisse construire”. Réponse du québécois :

– “Cette femme a l’air bizarre, elle parle seule.”

Bien répondu ! En un mot, il nous remet tous dans le moment de la scène, dans la relation. Pourquoi perdre du temps à ne pas jouer ensemble, alors que l’on a déjà si peu de temps de jeu.

Sur cette scène, les français proposent un joli décor en mimant le miroir. Joli, mais inutile. En effet, a part pour faire un gag, on s’en est peu servi dans l’histoire…

Mon ami Nabla, coach actuel de la troupe Eux, définit 4 débuts de scène typiques à éviter :

  • relation prof-élève,
  • donner un ordre,
  • les relations transactionnelles (magasin),
  • et la mise en scène de soi (type télévision).

Ce n’est pas une règle stricte (de belles improvisations ont vu le jour avec de tels débuts), mais simplement un constat que de manière générale, ce genre de début d’improvisation a peu de potentiel, car si l’autre accepte la situation, par exemple prof-élève, il se passe peu de choses durant toute la phase “d’enseignement”. La véritable action théâtrale est remise à plus tard.

Sur l’improvisation suivante, Jupe kakie et queue de cheval, le joueur français monte et pose directement un adjudant (encore un statut fort) qui ordonne à l’autre d’exécuter un mouvement. On ne va pas loin. On en profite pour placer le gag typique sur l’intelligence des militaires (“Les jambes jusqu’au sol…”). L’adjudant gifle sa partenaire, le joueur tapant en fait dans sa main. La québécoise, encore une fois, travaille avec ce qu’il y a de disponible et dit “Vous vous êtes tapé la main !”. Un bon début pour la remise en cause de la relation ! Pourtant, on refuse de construire dessus… Le contexte de la scène sera donné par d’autres joueuses québécoises qui monteront sur scène en support.

Une autre scène: Sacrée dégringolade. Pour une fois, on commence en situation, la joueuse québécoise, Marie-Soleil Dion, monte sur scène, apeurée. Le capitaine de l’équipe française mime de grimper. La joueuse propose un cadre, précise. Il s’agit d’un couple, qui va mal, qui part à la montagne pour se retrouver. Le français minimise toutes les propositions de l’autre.

Mick Napier, définit un certain nombre de “phrases types” qui ont tendance à tuer l’action. C’est Nabla, encore, qui m’a souligné ce passage du livre :

Quelques phrases typiques repérées par Mick Napier (de Chicago) au sujet des joueurs qui tentent de trouver une cohérence artificielle à certaines scènes. Cela provient de la peur des joueurs qui souffrent de ne pas trop savoir où ils sont au moment où ils le sont. Si vous y réfléchissez un tout petit peu, vous les avez déjà entendues plein de fois ces phrases… :

  • It’s just weird: après une action de son partenaire à laquelle on n’arrive pas à se raccrocher
  • Well, you’re just crazy: dire que quelqu’un est fou, ça permet de justifier qu’on est perdu dans ce monde
  • First day / First time: permet de justifier que potentiellement, ça va partir en couille
  • Every time we / you: dire que quelque chose est habituel permet de rendre cette chose classique, moins dangereuse
  • I love / I hate: genre, ‘j’adore le ski !’. Permet de justifier que c’est ce thème qu’on va aborder, que c’est super important et que c’est pour ça qu’on vous le montre ! Si, si, c’est génial ! Youhou…
  • This is the best … ever: la même chose que juste dessus. ‘C’est la meilleure tartine que j’ai jamais mangée’… Youhou…
  • … is fun: et encore la même chose… ‘Tricoter, c’est trop marrant’… Youhou…

Dans cette scène, le joueur français dira au moins deux fois ce genre de phrases. Le joueuse prétexte qu’elle est fatiguée et commence à faire une scène. Réponse du joueur :

– “Depuis que je te connais, tu es tout le temps fatiguée.”

A un autre moment, le français :

– “On avait dit qu’on grimperait. Suis moi.”

Le “on avait dit” est surtout un prétexte pour contrôler à nouveau la scène, qui évolue encore rapidement dans une relation prof-élève, avec dans le rôle du prof, le français. Bien entendu, il en profite pour placer quelques gags :

– “Pour grimper, faudrait déjà monter en haut.”

ou encore lorsque la joueuse mime l’action

– “Grimper OK, mais à la paroi.”

La joueuse elle, fait tout ce qu’elle peut pour recadrer l’action, rappeler l’enjeu : “On fait ça pour notre couple.”

Toujours cette bataille pour le contrôle, au passage, en rabaissant l’autre. Un autre exemple, dans un scène complètement glauque, supposée être “à la Shakespeare”, Pétard dans la tête (sic!), la joueuse française refuse systématiquement de mourir. Elle ose même le “Je suis une espagnole, je vais mettre une heure à crever.” La scène est complètement portée par le québécois, Réal Bosse.

Autre scène, toujours la même histoire. Gorgone et gorgonzola (sic!), “à la manière de Zola” (double sic! Comment construire une belle histoire, quand le thème même pousse au gag ?), mixte, 8 min. La joueuse française joue la mère, une gorgone (on n’en est pas sûrs…) qui tient une pizzeria. Après une longue élucubration sur la virginité, la prostitution, et les cycles menstruels de sa fille (joueuse québécoise) mélangés aux ingrédients, lorsque le fils du poissonnier annonce qu’il va tondre la mère, celle-ci s’écrit :

– “Mes cheveux sont incoupables !”.

Plus tard dans la scène, elle dira :

– “Vous ne pouvez pas les couper, mais je vais le faire moi-même.”

C’est toujours la même histoire. Une bataille pour le pouvoir, motivée par la peur pour les français. Le plaisir du jeu, toujours visible, jusqu’à la dernière seconde, cela dénote un vrai courage pour tenir malgré tout dans ces conditions, chez les québécois.

Bravo. Moi, je suis déçu, mesdames et messieurs les joueurs québécois, que l’on vous ai proposé ça. Je suis déçu du score du match (victoire des français). Je suis déçu de l’attribution des étoiles (un seul joueur québécois, Réal Bosse, en deuxième étoile). Je suis déçu pour M. Yvon Leduc, qui nous honorait de sa présence.

Mais au fond de moi, je me réjouis, car j’ai vu ce soir des improvisateurs avec une grande âme, un grand courage, capable d’être généreux dans l’adversité, poussant toujours plus loin le plaisir du jeu et l’entraide. Ce soir mes héros, sont québécois. Ce soir, je suis québécois.

Le match ne m’a toujours pas convaincu. En France en tout cas, je pense que c’est peine perdue. Qui sait, j’irai peut-être un jour au Québec…

Mais, j’ai quand même gagné un petit trésor ce soir. Les phrases de M. Yvon Leduc raisonnent, et pour longtemps encore, à mes oreilles : “Match et plaisir doivent primer par-dessus tout. […] L’impro, c’est la vie.”

Responses

  1. jill Avatar

    I’m glad I’m not the only one who wants to scream at improvisors who play from fear!

  2. Ian Avatar

    Jill!

    You lied to me. Do you understand French?

    Ian

  3. Lily Avatar

    Et qu’a répondu le joueur français pour éviter la remarque sur la gifle?

    J’ai honte pour les français de se comporter comme ça, avec, c’est vrai, la peur qui dirige l’impro, mais aussi le manque d’humilité, un petit peu d’humilité qui pourrait les aider à constater ça.

    J’aime beaucoup cet article, et cet hommage final aux québecois. En tout cas, on sent qu’ils se sont vraiment battus, pas contre les joueurs français, mais avec eux, et avec l’impro au ventre.

  4. Ian Avatar

    A près avoir dit ça, la québécoise est allée jusqu’à gifler vraiment son partenaire sur scène pour déstabiliser la relation. Mais cet élément disrupteur a vite été étouffé. Il faudrait que je revoie ce passage.

    Très vite, voyant que ça pataugeait, d’autres joueuses québécoises sont montées en soutien, pour annoncer à leur copine scout sur scène qu’un pédophile trainait dans les environs…

  5. Caspar Avatar

    Great article. All French improvisers should read it. How do we make that happen?

  6. Ian Avatar

    I don’t know. Torture?

  7. Lily Avatar

    Caspar, I’m not sure it could help… I’m really disappointed about french improvisers! Actually, they are not the only ones. I think improv came in Europe without its spirit. Or improvisers blew it away…

    As a matter of fact, improv is not known in Europe as it can really be: spontaneity, stories, feelings, sincerity, humor.

    Appart from the little groups of The Resistance 🙂

  8. Ian Avatar

    No, Improv came from Europe! What about Commedia Dell’Arte? What about the impact of improvisation in doing theater at the beginning of the century?

    The North Americans, who are humble and practical people, took it in and really tried to build on it.

    But when it came back to France, the French, so arrogant, considered it as sub-theatre. The amateur world grabbed the chance and did crap with it (in part due to show-business influence, in my opinion).

    Let’s claim back our due!
    I like the idea of Resistance!

  9. Finpoil Avatar

    Désolé d’interrompre le débat “continental” sur la provenance de l’improvisation (qu’est-ce qu’on en a à battre, finalement, d’où ça vient?), mais je voulais t’applaudir des deux mains, Ian, pour cette belle analyse.
    Les fleurs qu’on se lance, tout de même.
    Tu fais référence au “contrôle” de la scène, et j’aurais encore envie d’aller plus loin en faisant référence à Johnstone qui parle de “contrôle de soi”, et du fait d’être “affecté” par les actes des autres partenaires. Pour moi, c’est cette notion de se “laisser modifier par l’autre” qui est fondamentale. Au delà des simples querelles de statuts (qui sont généralement intéressantes à regarder, pour autant qu’elles évoluent), je dirais plutôt qu’une impro va stagner tant que les personnages ne se sont pas impliqués d’une manière où d’une autre.
    Alors permet-moi de mettre en doute les “recettes” de ton coach Nabla (j’ai horreur des recettes), parce que – comme tu le dis- le succès d’une scène ne dépendra jamais de sa situation de départ, mais bien de son évolution.
    En conclusion, pour améliorer l’impro du Vieux Monde, on aura plus besoins de systèmes d’analyses et de bons conseils (une dynamique “descriptive”, que tu adoptes souvent) que de règles prescriptives, basées sur “des impros qui ne marchent pas”.
    Je renvoie également tout le monde à l’excellent (ancien) billet de Lily, http://improving.wordpress.com/2007/05/22/stop/

  10. Ian Avatar

    Bien sûr Finpoil, il n’y a pas de “règles”. Et Nabla le souligne bien lorsqu’il nous en parle.

    C’est le propos même de Mick Napier.

    Mais on ne peux s’empêcher de remarquer certaines tendances qui conduisent souvent à l’échec. En l’occurence, dans ce cas précis, elles étaient révélatrice d’un malaise plus profond…

    Merci pour ton commentaire. Toujours à propos… (j’aime Keith!)

  11. Lily Avatar

    Ah ah! bonne fin de débat.

    Se laisser modifier par l’autre, profondément. J’adore cette notion.

  12. Lily Avatar

    A propos du fait qu’il vaut mieux donner des conseils positifs que des choses à éviter en impro, j’avais beaucoup aimé les premières pages de Mick Napier!

  13. […] fait de la résistance! Suite à un très bon article de Ian concernant un match de la LIFI française avec la LNI québécoise, une discussion a été lancée […]

  14. Nabla Avatar

    Bonjour à tous!
    Je souhaiterais prendre quelques secondes pour dire deux ou trois choses :

    1 – Ian, très bon article. Je partage la plupart de tes idées! (en fait, je crois que je partage tout, mais j’ai pas le temps de le relire pour vérifier…)

    2 – Finpoil, bonjour. Je voudrais ajouter à ton commentaire un élément au sujet des ‘recettes’, même si c’est presque du pinaillage du coup.

    Une recette dans mon esprit, c’est une combinaison d’éléments (ingrédients) qui aboutit à tous les coups à un bon résultat (une bonne paella).

    Ce que je voulais dire avec ces quatre types de relations, c’est plutôt le contraire : dans pas mal de cas, être dans une relation de ce genre ne donne pas de bonnes scènes. Ca peut être génial, parfois, surtout si l’on joue sur cette relation. Mais si l’on veut que la scène dans sa globalité soit bonne et bien construite, il va falloir le plus souvent faire évoluer cette relation vers quelque chose de plus profond, de plus intime, de plus personnel, de plus vrai. Cette nécessité d’évolution est à mon sens la preuve qu’une relation de ce type est vouée à se terminer vite.

    Malheureusement, quand l’arbitre annonce une scène de 8 ou 13 minutes, les joueurs de la LIFI font tout de même le choix de commencer par une de ces relations… ce qui fait perdre un temps précieux, puisque ce qui sera réellement intéressant commencera quand il faudra la faire évoluer.

    Mon pinaillage s’arrête maintenant.
    Je vous laisse, mais je vous reviendrai!

  15. julien Avatar

    Moi, quand on écrit qu’on est “enervé contre le public” j’arrête tout de suite lire ….

  16. Ian Avatar

    Bonjour Julien,

    Peux tu préciser un peu ce que tu veux dire? Pourquoi le fait d’écrire que l’on est “énervé contre le public” (ce n’est pas tout à fait ce que j’ai écrit) te gène-t-il tant?

    J’ai été énervé par le public pour deux choses.

    La première, c’est que je pense que le public aurait pu se lever pour un des créateurs du format, qui nous honorait de sa présence. C’est complètement subjectif et discutable, et on peut aussi questionner l’apport de Leduc au format du match d’improvisation, mais selon moi ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit un des créateurs du format d’improvisation le plus joué en France. Le public d’habitués présent à l’Elysée Montmartre aurait pu faire un effort.

    La deuxième raison, c’est qu’à mon avis, le public a son rôle à jouer dans la propagation et le maintien d’une improvisation théâtrale médiocre “à la Française”. J’ai déjà parlé sur ce blog du fait que les improvisateurs se sentent confortés par les rires du public dans des comportements complètement destructeurs pour l’improvisation (gags, cabotinage, etc…). Il est de la responsabilité des improvisateurs de ne pas voir ça comme une justification de leurs comportements, et c’est à eux de proposer au public autre chose.

    Mais le public joue le jeu en ne questionnant pas ses propres réactions. C’est d’autant plus vrai que le public de l’improvisation est souvent composé d’improvisateurs. Il me semble que le chausson au Match d’impro est destiné aux joueurs et non à l’arbitre… Je le vois toujours jeté sur ce dernier. Le chausson est la preuve même que dans la tête des concepteurs du format, le public a son mot à dire sur ce qui se passe sur scène. Etait-il heureux de ce qu’il a vu ce soir là? J’ai peine à le croire. Il y avait des improvisations sur scène d’une pénibilité immense, et personne pour manifester son mécontentement. Par contre, pour lyncher l’arbitre ou lancer des “5 min? Oh là là!” il y avait un paquet de gens…

    Est-ce que tout ce qu’il veut n’est que gags et cabotinages (et y participer, avec ces idées débiles de chaussons sur l’arbitre et de temps de jeu gaspillé en conventions artificielles)? Veut-il voir des gens qui refusent absolument de se laisser changer, et qui passent leur temps à se détruire les uns les autres sur scène? Le public entretient celà. J’irai même jusqu’à dire que lorsque le public rit de tous ces comportements, il rit DES joueurs et ne rit pas AVEC eux. En conséquence, nous improvisateurs, devrions nous laisser guider par celà?

    Je refuse de le faire. Pourtant tout en moi me pousse à le faire lorsque je monte sur scène et que je suis face au public. C’est si facile! Mais je refuse de me laisser guider par un type de jugement du public qui tire l’improvisation théâtrale vers le bas, qui n’en fait qu’un show, qu’un lynchage des improvisateurs qui se cachent derrière le fait “qu’il s’agit d’improvisation et que ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir le faire”, pour faire de la merde. Et ne jamais avoir à y faire face…

    Le retour du public est essentiel en improvisation. Mais au même titre que dans tout spectacle vivant, ni plus, ni moins. Dire que l’improvisation a plus besoin du public, c’est légitimer un caractère spécial derrière lequel se cachent beaucoup d’improvisateurs qui refusent de se remettre en cause.

    Keith Johnstone après avoir essayé de développer l’improvisation théâtrale en Angleterre, mais abandonnant face à la censure, a fait le tour de l’Europe pour présenter des spectacles d’improvisation. Ils étaient présentés comme une troupe de mimes. Face à la barrière linguistique, ils devaient absolument trouver ce qui toucherait le public. Ils redécouvraient le théâtre, en le créant sur le moment.

    Le retour du public est essentiel pour comprendre ce qui marche et ne marche pas sur scène. Ce qui touche les gens et ne les touche pas. Mais pas n’importe quel retour. Le rire facile, la moquerie, la “show business”-isation de l’improvisation ne sont pas des éléments qui devraient nous guider.

    Honnêtement, j’aimerais pouvoir ne me baser que sur le retour du public pour progresser. Deux choses m’en empêchent:

    1. Lorsque nous montons sur scène, nous sommes conditionnés à faire rire. C’est à nous de nous forcer à faire autre chose.

    2. Il y a un biais de la part du public vis-à-vis de l’improvisation théâtrale. Aujourd’hui, toutes les personnes que je connais associent l’impro au rire.

    Où se situe la faute? Au niveau des improvisateurs qui sont incapables de proposer autre chose? Certainement, c’est leur responsabilité première.

    Mais n’y a-t-il pas une autre responsabilité, celle qui pousse le public à vouloir toujours plus “d’entertainment”, et moins d’art, moins de théâtre?

    Alors oui, je me suis emporté. Car le changement ne viendra pas du public. Mais ça me chagrine de me dire que les gens qui vont voir de l’improvisation – et bien souvent ce sont des improvisateurs (ce qui en soit est une perversion) – n’aspirent pas à autre chose. C’est à nous improvisateurs de leur proposer cet “autre chose”, encore et toujours.

  17. Matthieu Avatar
    Matthieu

    Je suis globalement d’accord avec cet article de Ian. La performance de la LIFI était vraiment décevante et pavée d’une “convention du mauvais jeu” qui empoisonne une bonne partie des pratiquants du match d’impro en France. Hélas, si Ian avait vu le match Sceaux Pro – LNI trois jours plus tôt il aurait fait le même constat (si ce n’est qu’il y a eu plus de comparé sur le match à Sceaux, laissant la place aux Québécois de montrer l’étendu de leur jeu).
    Les pro français ne jouent plus, ils gèrent quelque chose (leur image, leur ego, je ne sais quoi) et c’est somme toute regrettable. D’autant plus que, ce faisant, ils influent grandement les milieux amateurs qui pensent faire de la belle impro en les copiant.
    La “convention du mauvais jeu” s’insinue partout, et au lieu de voir des personnages investis, des comédiens qui osent, on voit des grimaces empreintes de facilité pour faire rire le publique.
    Mais ce n’est pas à l’improvisateur de décider si l’impro sera drôle ou pas, mais à l’histoire elle-même. Au fur et à mesure de sa construction, on verra bien si elle emmène les personnages dans le comique, l’absurde, ou le tragique. Vouloir contrôler à tout prix l’histoire (ou ses cheveux de gorgone), c’est empêcher la construction spontanée qui est à la base de l’improvisation théâtrale.

    Par contre, je ne suis pas d’accord, même après précision de Nabla, sur l’idée qu’il y a des recettes à éviter. Toutes les situations de départ sont bonne et peuvent donner lieu à de belles impros, même si je reconnais que certaines nécessite une plus grande “maîtrise de l’impro” que d’autres.

    Enfin, difficile d’être en colère contre le publique (même s’il m’arrive parfois de partager ton sentiment Ian)… Il aime ce qu’on lui sert. Difficile d’en vouloir à un enfant d’aimer les pâtes si on ne lui a jamais servi que ça. En proposant autre chose, en marquant la différence, on peut proposer autre chose au publique, et peut-être, sûrement, lui faire aimer (la LNI, elle, n’avait pas la place dans ce match pour proposer autre chose).

    Bon alors, cette Résistance, on la monte quand ?

  18. Nabla Avatar

    Hey hey!

    Encore une fois ?
    Alors rien que pour toi Matthieu :

    ‘Par contre, je ne suis pas d’accord, même après précision de Nabla, sur l’idée qu’il y a des recettes à éviter. Toutes les situations de départ sont bonne et peuvent donner lieu à de belles impros, même si je reconnais que certaines nécessite une plus grande “maîtrise de l’impro” que d’autres.’

    Oui, oui. Toutes les situations de départ sont bonnes et PEUVENT donner lieu à de belles impros. Je n’ai jamais dit et ne dirai jamais le contraire.

    Je ne dis pas que ce sont des recettes à éviter. Je dis simplement que :
    1. Je n’ai pas vu beaucoup de scènes où les types de relations évoqués dans l’article initial de Ian ont rendu quelque chose de bien. En fait, je n’en ai vu aucune depuis que j’y fais attention. Mais comme j’ai pu passer à côté de la fois où c’était bien…
    2. Ca doit pouvoir se faire, mais je pense, comme toi apparemment, que ça demande une grande maîtrise (ceci expliquant peut-être le 1.).
    3. J’aimerais vraiment que quelqu’un me montre une scène qui a bien marché (=bien construite et bien jouée), scène qui contiendrait l’un des types de relation évoqués sans la dénigrer. Parce que plus j’y pense, plus je me dis que les mecs qui arrivent à faire ça doivent être sacrément bons.

    Pour la Résistance, c’est quand vous voulez. Je suis prêt!!!! GO!

  19. Rachel Avatar

    L’impro, ça vient du québec (tout comme moi ) et je crois que ce que les français n’ont pas compris c’est qu’il faut jouer sans supercheries, il faut avoir du plaisir et de la naïveté quand nous jouont et au Québec, dans nos tournois, nous donnons autant d’importance, sinon plus, à l’équipe qui aura été la plus sympatique qu’à l’équipe qui aura gagné.
    Je vous laisse sur une phrase célèbre dans mon équipe, ”fait juste le”.

  20. Lily Avatar

    Ca me fait plaisir de lire ça Rachel!

    Tu fais partie de quelle troupe/équipe?

  21. […] rejoint un commentaire de Rachel, une joueuse canadienne, que je viens de lire sur le blog de Ian, qui met le plaisir avant le […]

  22. JiBé Avatar

    Hoooo, la belle brochette de donneurs de leçons que voilà!!! Cela prouve au moins une chose, c’est que vous êtes plus français que les français que vous avez vu sur scène. Il se trouve que j’étais à ce match, y compris à Sceaux trois jours plus tôt et aussi 5 jours plus tôt au Luxembourg, et je peux remonter sur 15 ans. On peut dire oui, que vous n’avez pas vu le match du siècle à l’Elysée Montmartre. Mais vous n’auriez de toute façon pas pu le voir vu la masse d’à prioris que vous transportez dans votre besace de spectateur qui a déjà un avis sur tout, qui analyse tout et qui a déjà tant de vérités et de recettes.
    Réal Bossé est surement un des plus grands joueurs actuels, justement, et ce sont ses dires, parce qu’il rentre toujours dans la patinoire avec l’envie d’être surpris par le joueur en face quoi qu’il propose, y compris des insultes et de la violence (laquelle violence est un peu intrinsèque à toute l’histoire du théâtre, non?)
    Alors, on peut critiquer le jeu à la française, car il y a une vraie différence culturelle avec le jeu québécois, qui s’appuie sur le ludique et surement plus sur le plaisir de s’amuser. Mais si comme le stipule ce site “L’impro, c’est la vie”, alors c’est aussi (voire surtout) des enjeux de pouvoir, de la colère, de la rivalité, de l’egocentrisme, etc… La vraie question est de savoir comment on doit le mettre en jeu. Mais si vous n’aimez pas les enjeux de pouvoir, n’allez pas voir des matchs d’impro, c’est un des principes fondateurs de ce jeu. Et puis n’allez pas au théâtre, il n’y a que ça: La Commedia, le Clown, Shakespeare, Molière (Ha oui, au fait chez Molière il y a ce qu’on appelle l’apparté, ce qui explique que le comédien parle parfois au public!) ne sont basés que sur des rapports de domination. En improvisation c’est la même chose, ce qui explique d’ailleurs que les femmes aient du mal à s’y imposer (Au fait, y’a combien de filles dans la compagnie “Eux”… pas vu beaucoup!)
    Excusez cet emportement mais il me semble que vos colères cachent d’autres choses.
    Donc pour finir, je rebondirais juste sur la petite phrase de Rachel (Tiens une femme… québécoise!) “Fais juste le” et puis on en reparle!

  23. Ian Avatar

    Bonjour JiBé,

    Tout d’abord, merci pour ton commentaire.

    Tu dis que de toutes façons, nous n’aurions pas pu voir de bon match à cause de nos préjugés. C’est vrai, c’est quelque chose que j’expérimente à chaque fois que je vais voir de l’impro. Je ne peux pas m’empêcher d’analyser les scènes que je vois en tant qu’improvisateur. Et ce même si je fais tout ce que je peux pour ne pas y penser. Ca me fait penser que c’est aussi un des travers de l’improvisation, car j’ai l’impression que beaucoup de spectacles d’improvisation ont des salles remplies d’improvisateurs. Mais c’est un autre sujet…

    Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi, car je suis déjà allé voir des spectacles d’improvisation qui m’ont gardé en état de simple spectateur du début à la fin, en particulier des spectacles des Improfessionals. Maintenant, tu dis que depuis 15 ans tu vas voir des matchs. Peux-tu m’indiquer des matchs, des ligues ou des équipes qui du début à la fin t’ont gardé dans cet état d’émerveillement permanent? Je ne parle pas de rencontres où il y aurait eu de beaux “moments”, je parle de rencontres où du début à la fin il y a cette volonté du “beau jeu”.

    Oui Real Bossé est un grand joueur. Il garde cet état d’émerveillement permanent dans son jeu. Dis moi si tu connais une autre façon de faire de l’impro…

    Tu dis : « laquelle violence est un peu intrinsèque à toute l’histoire du théâtre, non? » Que veux tu dire ?

    Que les acteurs, metteurs en scène et techniciens se sont toujours tirés dans les pattes ? Oui c’est sur, dans un milieu où l’ego est si important. Mais doit on valider ces comportements ? Personnellement, j’ai du mal à construire une scène avec quelqu’un en qui je n’ai pas confiance.

    Que les histoires racontées au théâtre sont des histoires de violence ? Oui, je suis d’accord avec toi, mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut savoir faire que ça. Et c’est l’impression que l’équipe de la LIFI donnait.

    Je suis d’accord avec toi, on doit savoir mettre en jeu les enjeux de pouvoir dans une scène. Mais il y a une différence entre le faire par choix et le faire par peur. Or la LIFI donnait clairement l’impression que c’était en permanence fait par peur, car ils étaient incapable de sortir de ce registre. Par ailleurs, JiBé, sais-tu que c’est Keith Johnstone qui a popularisé la notion de statuts au Théâtre, au-delà même du cercle de l’improvisation ? Connais tu cet auteur ? Connais tu Spolin, Close et Napier ? J’aimerais avoir ton avis sur ces auteurs, et ce que tu penses de leur œuvre et de ce qu’ils peuvent apporter ou non au match d’improvisation.

    Tu dis « les enjeux de pouvoir sont un principe fondateur du match d’impro. » Peux tu préciser ? Personnellement, je ne le pense pas. Le principe fondateur, c’est la compétition, qui est présente dans le décorum de compétition sportive. Que tu fasses l’amalgame entre compétition et « enjeu de pouvoir » révèle bien le travers du format tel qu’il est joué aujourd’hui. En sport, on parle de « fair-play ». C’est exactement ça en impro. Le format, créé par des comédiens, pour des comédiens, souhaitait capitaliser sur l’émulation de la compétition qui pousse au développement de soi pour aider les comédiens à repousser leurs limites, et non pas à nous resservir les mêmes recettes en permanence comme c’est le cas aujourd’hui. De même il s’agit bien d’un « jeu » et en ce sens, l’aspect ludique est essentiel, comme le montrent si bien les québécois.

    Oui, en Théâtre il existe des techniques comme l’aparté et oui, les rapports de dominations sont importants. Mais lorsque l’auteur choisit de les mettre dans son texte, que le metteur en scène choisit d’appuyer sur un aspect plutôt qu’un autre, et lorsque les comédiens le jouent, ils le font par choix. L’improvisateur qui monte sur scène, doit faire face au risque de la création dans le moment, devant du public. Et souvent, il utilise ces techniques pour ne pas faire de choix et se protéger : il le fait par peur. Je te renvoie au début de l’improvisation « Entre de Belles Mains » sur ce match.

    Sur les femmes en impro… Oui, il y en a peu dans notre groupe. C’est un fait. Où veux tu en venir ?

    Je n’ai pas envie de parler au nom de mon groupe même si je suis fier qu’on propose des choses différentes en impro. Mais je sais qu’à mon niveau, je fais de mon mieux pour proposer de la belle improvisation.

    A bientôt,

    Ian

  24. Matthieu Avatar
    Matthieu

    Sacré Jibé…
    Un bel amalgame que tu nous fais là entre comportement des personnages et celui des comédiens.
    Oui les scénes de théâtre sous-tendent toujours des relations entre humains, relations qui passent par la colère, la violence, les conflits et enjeux de pouvoir. Mais est-ce que pour jouer Roméo et Juliette, il faut que le comédien qui joue Roméo aime vraiment la comédienne qui joue Juliette ? Ne confondons pas personnages et comédiens… Quand j’approuve le discours de Ian concernant les enjeux de pouvoir, c’est bien que ce sont les comédiens qui semblent se livrer à ses batailles et non leur personnage. Et c’est bien dommage non ?
    Quand la bataille d’ego est celle de personnages, quoi de plus normal, et si la scène est choquante, trouble, par la sincérité du jeu des comédiens, ce n’en est que plus remarquable. C’est ce que nous souhaitons tous je pense, surtout toi qui a du voir plus de matchs d’impro que tous les intervenants de ce fil de discussion… Tu as dû en voir des impros aussi fortes que cela. Le regret de Ian, que je partage c’est de voir que, souvent hélas, les batailles d’ego sont celles des comédiens et non celles des personnages.

  25. Caspar Avatar

    Permettez-moi de citer un ancien manuel de philosophie : « Aussi voit-on que l’être réellement intéressé et égoïste ne joue pas. Il ne sait pas jouer, parce qu’il ne sait pas faire un seul instant abstraction de son moi et de son plaisir. » [E. Rabier, Leçons de philosophie. 1: Psychologie, Hachette, Paris, 1884, p. 507.]

  26. Ian Avatar

    Ok. Maintenant je sais pourquoi Guillaume est comme ça…

  27. JiBé Avatar

    Bon, bon… Une chose est sûre c’est que je déteste les débats sur les forums. On n’arrive jamais à s’expliquer car le débat est virtuel.
    Mais, mon caca nerveux passé, je vais essayer de m’expliquer.
    Déjà à Ian. Contre une idée reçue, le public à la LIFI (enquête à l’appui) est composé à chaque match de 2/3 de spectateurs qui découvrent le match. Les quelques afficionados, qui sont souvent joueurs (et parfois perturbateurs), font partie des gens qui ne sont plus capables de vraiment s’émerveiller. Pour ma part, c’est presque difficile de voir un match, car étant joueur, je réagis comme un joueur, et je peste quand ça traine, avec l’impression que je saurais faire autrement. Mais c’est si facile du dehors. Le match dont je me souviens le mieux, c’est le premier que j’ai vu, il y a plus de 20 ans (hé oui!), et c’était surement pas un très bon match.
    Pour répondre encore à Ian: tu me demandes si j’ai déjà vu un match bon du début à la fin. Bien sûr que non! Et sur ce thème, je repense au regretté Pierre Martineau qui disait qu’il fallait toujours revenir au sport. Un très bon match de foot, n’est jamais excellent du début à la fin. Il y a des creux, des accélérations, de belles actions, des buts, et tout ça forme une dramaturgie qui se vit en direct, et c’est ça que le public vient voir, y compris les errements, les impros ratées, et les frasques de l’arbitre. Je suis convaincu que c’est un spectacle qui ressemble énormément au spectacle sportif car tout se joue en direct, comme au sport.
    Enfin, avec cette histoire d’ego… On arrive sur la patinoire sans rien, on doit tout créer, écrire l’histoire, la jouer, la mettre en scène, et vous voudriez qu’on vienne sans notre ego? Ben il reste quoi alors? Mais ça c’est un vieux complexe bien français, qui mélange pouvoir et autoritarisme, ego et egocentrisme… Si vous vous oubliez dans ce jeu, vous n’existez pas. Maintenant, le pouvoir ça se partage, les egos peuvent s’enrichir les uns les autres, mais il faut entrer dans la patinoire avec l’envie de briller, de se surpasser, de s’étonner, et d’être plus fort, non pas que l’autre, mais plus fort que soi.
    Alors je vois aussi dans ce débat, et dans ce que vous reprochez à beaucoup de joueurs dont ceux de la LIFI, quelques arguments qui sont justes. Oui certains joueurs, n’arrivant pas à se surpasser (de façon ponctuelle ou continue) ont tendance à monopoliser le pouvoir. Oui ils se trompent. Mais le joueur qui “fait abstraction de son moi et de son plaisir” (cf: plus haut le prof de philo de Caspard) se trompe aussi.
    Le match d’impro, c’est tout ça! Et il n’est pas comparable aux autres formes d’improvisation qui sont tout aussi respectables, mais qui développent d’autres choses dans l’improvisation théâtrale.
    Allez, j’en termine là pour ce soir, sinon, je vous en colle encore des tartines.

  28. Ian Avatar

    Merci pour ton message JiBé. Je suis d’accord que c’est dur de débattre sur internet, mais le débat a au moins le mérite d’exister. J’apprécie que tu dises que les joueurs de la LIFI ont aussi des choses à se reprocher.

    C’est vrai que de ce que j’ai vu, un paquet des membres du public ne sont pas improvisateurs / n’ont jamais vu d’impro. Mais ce que je ne comprends pas, c’est que le public valide toujours certains mauvais comportements: jeux de mots, bataille de pouvoir,cassage, etc…

    Je suis d’accord avec toi, il y a toujours de l’égo sur scène. Mais je pense qu’il faut lutter contre ça, plutot que de le valoriser.

    Pour filer la métaphore du sport, et mettons, du match de foot, disons que je ne veux pas voir que des belles impros du début à la fin, mais plutot que je veux voir des joueurs qui du début à la fin tentent de faire quelque chose de beau. En foot, j’aime bien voir un beau match nul avec plein de tentative et sans joueurs qui s’insultent, se taclent en permanence par derrière et s’envoient des coups de poing. Mais c’est pas grave s’il n’y a pas de beaux buts!

  29. Matthieu Avatar
    Matthieu

    Merci à toi Jibé de citer Pierre Martineau. Ca fait plaisir de voir qu’il compte toujours pour des improvisateurs. Il disait aussi que “il n’y a pas de place pour l’égo en impro” (paroles aussi dites à l’occasion par Jan-Marc Lavergne) ; mais je pense que quand nous parlons d’égo, toi et moi, nous ne pensons pas forcément à la même chose , d’où une certaine incompréhension au départ. C’est plutôt le mot personnalité que j’utiliserai dans le sens ou tu en parles. Mais si c’est seulement un problème de vocabulaire, tout va bien.
    Tu as bien raison, les discussions sur Internet sont toujours difficiles et laisse place à plein de contre-sens, d’ambiguité qui finissent par déboucher sur des conflits. Bravo pour cette maturité dans la discussion, et de ne pas t’être emporté.

  30. Ian Avatar

    En tout cas, merci à tous pour ces contributions. Quand j’ai ouvert ce blog, je voulais que ça soit un lieu de discussion, et c’est en train de le devenir! N’hésitez pas à contribuer à nouveau!

  31. […] Mais aussi d’autre part, à cause du constat que l’improvisation francophone, du moins, celle que nous voyons, est très (trop?) tournée sur elle-même. Qu’elle ne soutient plus les idéaux de partage, de plaisir, de dépassement, de sincérité, de spontanéité, de courage que nous pensons intrinsèques à cette discipline, à cet art. Et qu’elle pourrait très largement bénéficier d’une exposition plus grande à d’autres théories, d’autres approches, d’autres pratiques: une proposition qui fait échos aux articles et aux réactions suscitées sur ce blog ici et sur le mien là. […]

  32. […] n’arrive pas à me faire au Match d’Impro. Malgré ma dernière visite que j’avais moyennement appréciée, je suis retourné à la LIFI l’autre soir pour assister à la Finale. J’ai décidé […]

  33. […] Une petite nuance: ça me semble normal que la majorité des spectacles soient des matchs d’impro et/ou dérivés. C’est la forme la plus simple et la plus répandue de représentation d’impro: avoir un thème donné par un MC ou par le public, improviser dessus avec ou sans catégorie (les anglo-saxons ont une approche par “jeux”), dans un format compétitif ou non. Ce qui me gène, c’est plus le style de jeu hérité du match dont j’ai déjà parlé sur le blog. […]

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *