Improviser “vraiment”

GTKJ du 30/06/2013

Hier, j’essayais d’orienter la séance sur la libération de la spontanéité et de la créativité des acteurs.

On a fait une version de l’exercice “Verbal Chase” en groupe, puis j’ai appliqué le même principe avec une seule personne qui devait raconter une histoire (interruption rapides sous la forme de questions apparemment aléatoires pour forcer la spontanéité).

Il y a eu de la résistance (“Mais ce n’est pas possible, personne n’est jamais totalement spontané !”). Il y a eu de échecs (plein). Mais il y a eu des réussites : des moments où l’histoire ne semblait plus venir du cerveau de la personne – qui anticipe systématiquement la prochaine phrase qu’il va formuler – mais qui venait d’ailleurs et mettait du coup l’acteur dans un état d’inspiration et d’excitation permanente pendant l’histoire.

Je crois que cet état est le bon état pour improviser. Un état de spontanéité permanentes.

Cependant, cet état est incompatible avec les objectifs traditionnellement associés à l’impro : on veut voir sur scène des gens bons, drôles, intéressants, cohérents, qui jouent des personnages et des situations qu’ils “maitrisent” et qui soulignent la “performance” des improvisateurs face à la contrainte du thème imposé ou de l’impréparation.

Ceci m’a amené à me demander quelle part de l’improvisation théâtrale proposée habituellement est vraiment improvisée. Les improvisateurs, même s’ils improvisent, sont toujours en anticipation de 10, 5, 2, 1 ou même 0,5 secondes par rapport à ce qu’il vont dire ou faire. Il ne sont jamais totalement présents et spontanés. Improvisent-ils vraiment ?

Mais même si cela était possible, est-ce que la recherche de cet état est réaliste ? Souhaitable ? Je crois que oui.

Réactions de participants

En tout cas, ce qu’on a pu observer et vivre dans cette séance c’est que tout niveau d’expérience de scène confondu, la mise des comédiens dans cet état a déclenché énormément de mécanismes de défense et d’appréhension chez tout le monde.

Ça a également mis en lumière le fait que tout le monde (notamment les plus expérimentés) a pris des réflexes narratifs et acquis des “trucs” afin de s’assurer plus de confort sur scène et d’éviter d’échouer. Ces réflexes et “trucs” étant presque toujours inconscients.

Spontanéité totale VS Structuration cohérente
Flot incontrôlé de pensées VS Choix artistique
Process VS Résultat

Satisfaction des comédiens VS Satisfaction du public

Est-il possible d’être dans l’absence totale de contrôle et d’obtenir un rendu satisfaisant pour un public d’inconnu ? Le seul moyen de le savoir est d’essayer encore.

Emmanuel

À vrai dire je crois que spontanéité et structuration ne sont pas incompatibles ; le processus à chercher me semble être de découvrir la structure, qui se fait d’elle-même (car de la même manière qu’on ne peut pas s’empêcher d’avoir un timbre dès qu’on utilise la voix, on ne peut s’empêcher de structurer dès qu’on agit – les histoires se font d’elles-mêmes), de la remarquer, et de la laisser influencer l’improvisation, de la même manière qu’un trottoir influence le marcheur.

Hervé

Moi je ne crois pas qu’il faille être en permanence dans cet état de créativité totale. En revanche, c’est une bonne chose de savoir l’atteindre et de pouvoir aller y puiser… Mais pas certain que ce soit présentable… A quoi bon regarder un pur flot de pensées non structurées ? Où est le choix artistique ? Et est-ce que ce flot est capable de vraiment communiquer ou est-il un jeyser d’idées uniquement personnelles ?

Ouardane

Autres ressources sur le sujet

A lot of improvisational performance, often called “improv” or “impro” for short isn’t pure improvisation – a complete real-time state of emergent, spontaneous creativity – it is simply what we all do every day, but speeded up, and enabled by a bunch of structures and tricks.

What is to be done about improvisation, Paul Levy
http://rationalmadness.wordpress.com/2013/06/16/what-is-to-be-done-about-improvisation/

Most “improv” that I see finds the players improvising on a superficial level. There is an illusion of honesty, authenticity and freshness but actually players are clinging to there own habits, patterns and tricks.

The Micro-Truth, Steve Jarand
http://theatresports.com/the-micro-truth-steve-jarand/

With luck, you may eventually realize that very little of ‘you’ was ever present on the stage; and that verbal thinking kills spontaneity; and that the world is not six, or sixteen, or sixty seconds in the future.

Getting Jaded, Keith Johnstone
https://improviser.fr/2012/02/02/devenir-blase/

In improv, you are not in the results business. […] Actually, in improv if you are doing a scene and you think you know where you are going, you are not improvising at all — you are trying to controlling the outcome and you’ll end up with crumbs when you could have had the whole cake.

Improv Nerd, Jimmy Carrane
Via : The Improvisor’s Improvisor

Responses

  1. Bruno Avatar

    Pour créer cet état de spontanéité absolue, j’utilise l’effort physique avec mes collègues.

    Un exercice pour ça : tous en rond, un improvisateur entame une histoire, au centre.
    Peu de temps après le début, on lui dit “allez go”, et il se met à courir autour du cercle, et tous les collègues l’encouragent, puis on lui dit de revenir au centre du cercle, pour continuer son histoire.
    Et on refait, jusqu’à ce que l’improvisateur atteigne un lâcher-prise assez conséquent, repérable très facilement : tout semble sortir de son inconscient, il vit son histoire, c’est vivant, y a des émotions, rien n’est anticipé (et il est un peu essouflé).

    C’est un peu mécanique, vu qu’on utilise le fait que notre cerveau décroche lorsqu’on fait un effort physique violent, mais ça permet de sentir ce moment ou l’on est entièrement spontané, et permet de l’ancrer.

  2. Ian Avatar

    Hey ! C’est une super idée. J’essaierai.

    J’ai juste un peu peur que l’essoufflement et l’épuisement physique mettent les gens dans un état d’excitation dont je ne suis pas très fan. Un peut comme avec l’exercice d’échauffement classique “Hi-Ha”…

  3. Bruno Avatar

    Raa punaise qu’est-ce que j’aime pas le “hi-ha”.

    En effet, c’est le danger. Je crois que cet exercice est à éviter juste avant d’entrer en scène, il faut essayer de continuer ensuite avec de la relaxation, ou tout autre chose permettant de favoriser la concentration tout en gardant le bénéfice de cet état de lâcher-prise comme le “verbal chase” ouais.

    A explorer.

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