Une réalisation suite au spectacle d’hier soir : je suis étonné de constater la tolérance que le public peut avoir envers un comédien qui monte sur scène “sans rien”.
Il existe un délai lorsque l’on monte sur scène – mais également au milieu d’une scène suite à une proposition risquée ou une absence de proposition – pendant lequel le public nous suit sans nous lâcher alors que l’information est incomplète.
C’est un délai théorique de tolérance du public que j’utilise dans mes cours. Je l’utilise pour expliquer à mes élèves qu’il n’est pas nécessaire de “monter avec quelque chose” (un objectif, une émotion, un personnage, etc…). On peut tout à fait monter “sans rien” et tout découvrir sur scène. Ce qui ne veut pas dire que je cautionne le fait qu’il ne se passe rien au début de la scène! Mais le public projette naturellement sur l’acteur qui monte sur scène, ce qui crée cette zone de tolérance face à l’incertitude. Dans mes cours, lorsque j’enseigne cela, j’estime ce délai à 20 secondes. C’est aussi le délai que Keith Johnstone donne en général dans ses ateliers.
En pratique quand je suis sur scène, avec la pression, j’estime personnellement ce temps plutôt à 5 voire 10 secondes maximum. A l’issue de ce délai, je rentre généralement en mode “FAIS QUELQUE CHOSE!”
Mais pas hier soir. Peut-être est-ce dû à l’atelier que nous a donné Becky Johnson mercredi dernier, ou aux conditions spécifiques de ce spectacle, ou à la confiance que j’avais dans le groupe, mais j’ai essayé de pousser un peu plus. Et suite à quelques scènes du spectacle d’hier soir, je me rends compte qu’on peut tout à fait pousser ce délai à 30 secondes, voire une minute. C’est un délai tolérable pour le public tant que le comédien ne laisse pas transparaitre sa peur et agit en confiance.
Ce délai théorique est un outil qui nous permet, au début d’une scène ou au milieu d’une scène, d’explorer tout un pan de l’improvisation qui est généralement écarté lorsque, par peur, nous nous réfugions dans des univers, des personnages ou des techniques connues.
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