Improviser !

Ecrire, jouer et mettre en scène des histoires, spontanément…

L’enjeu

November 28th, 2006 · No Comments

L’atelier pour adultes débutants des Improvisades de ce soir (lundi 27 novembre 2006) avait pour thème “L’enjeu”. L’enjeu d’une scène est comme la matière première de l’improvisateur. C’est autour de l’enjeu d’une scène qu’il brode, qu’il explore. Une scène sans enjeu n’est pas une scène : il ne s’y passe rien.

Pour enseigner la notion d’enjeu, j’ai souhaité souligner deux principes:

  • Tout est récupérable sur scène pour faire un bon enjeu,
  • Il existe une structure simple des scènes à respecter.

On commence par aborder les questions “Comment trouver un enjeu?” et “Qu’est-ce qu’un enjeu?”. Pour cela, on fait jouer l’exercice “Colore/Avance”. Cet exercice demande à un improvisateur d’être seul sur scène et de réaliser une tache simple, par exemple, balayer la cuisine. On insiste bien sur le fait que l’on veut simplement voir l’improvisateur se concentrer sur sa tâche. Immanquablement, l’improvisateur n’y parvient pas. Au bout d’un moment, il se passe quelque chose. Dans notre exemple, il peut par exemple tenter de ramasser la poussière, de se mettre à chantonner, etc… A ce moment, le coach intervient en donnant l’indication “Colore”, en l’associant à l’un de ces micro-événements. Par exemple: “Colore le fait de ramasser la poussière”. L’improvisateur délaisse alors sa tâche principale et se concentre sur l’action à colorer. Lorsque l’action a été menée à son terme, on donne alors l’indication “Avance”, et l’improvisateur doit retourner à son activité initiale immédiatement. Le but de cet exercice est de montrer qu’apporter un enjeu à une sène est véritablement à la portée de tout le monde. Tout ce qui se passe sur scène, le moindre micro-événement évoquer plus haut, peut devenir l’enjeu d’une scène. Cet exercice apprend aussi à l’improvisateur à repérer de telles opportunités.

Puis on passe à l’exercice suivant: 1-2-3-4.

Avec 1-2-3-4, on montre comment structurer cet enjeu. Deux personnes, A et B participent à l’exercice:

  • Phase 0 : A monte et pose le décor (ex: une cuisine),
  • Phase 1 : en une phrase, B monte et explique qu’il a compris le décor, et explique sa relation à A (ex: Bonsoir Maman, ça a l’air bon ce que tu prépares),
  • Phase 2 : en une phrase, A pose le problème / le conflit (ex: J’ai eu ton professeur M. Gruto aujourd’hui, tu n’as pas eu de bonnes notes),
  • Phase 3 : en une phrase, B surenchérit. La surenchère peut se faire de deux façons:
    • (1) B peut expliquer ce qui risque de se passer si le problème n’est pas résolu, ce qui rend le problème essentiel (ex: Oh mon dieu, si papa l’apprend, il va me tuer!)
    • (2) B peut décider de rajouter à l’urgence de régler le problème (ex: Et en plus, il mon professeur vient diner à la maison ce soir!),
  • Phase 4 : en une phrase, A résout le problème (ex: C’est bon, j’ai déjà donné un gros chèque à M. Gruto.). Variante: un troisième personnage C entre et résout le problème.

Cet exercice est très difficile. Il demande de l’écoute, beaucoup, afin de ne pas se couper la parole, mais aussi de bien avoir à l’esprit la séquence évoquée. Il implique de faire simple. Par exemple, on ne veut vraiment pas voir apparaitre de problème avant la phase 2. Il implique d’intégrer les événements précédents et d’avancer progressivement.

Ensuite, on passe à des scènes libres. J’ai été vraiment très agréablement surpris de voir une scène particulièrement réussie qui intégrait tous les éléments précédents.

Sur le thème Soirée pizza, nous avons ainsi pu assister à la scène suivante:

  1. Deux personnes (A et B) montent sur scène et manipulent vaguement quelque chose chacun de leur côté (micro-événement),
  2. Ils se toisent du regard, et commencent l’un (A) à manipuler de la pate à pizza, l’autre (B) un four à bois (Phase 0),
  3. A s’adresse à B, avec un accent italien, lui faisant bien comprendre que c’est lui le maitre pizzaïolo (Phase 1),
  4. B signale que la pizza qui est en train de cuire est trop lourde et qu’il n’arrive pas à la sortir du four (Phase 2: problème)
  5. S’ensuit la surenchère (Phase 3):
    1. A précise que le “Padre”, un gros mafieux du coin, attend sa pizza,
    2. Celle-ci est trop chaude et brule les mains et le visage des deux personnages lorsqu’on parvient finalement à la sortir du four,
    3. B glisse et la colle au plafond.
  6. Finalement, A apporte la pizza au Padre (Phase 4),
  7. A revient en cuisine en précisant que le Padre a particulièrement apprécié les petits bouts de fromage blanc. B explique qu’il s’agit de bout de plafond restés collés à la pizza (Rappel + Chute).

Cette scène a été particulièrement réussie. Elle l’a été grâce à la présence d’un enjeu, mais aussi grâce au fait que celui ci a été convenablement remarqué et exploité. Toute scène devrait avoir un enjeu. En impro, chaque minuscule petit détail peut devenir un enjeu considérable. Le problème, c’est que les joueurs ne sont en général pas habitué à saisir ces enjeux. Et lorsqu’ils le font, ils doivent encore parvenir à les exploiter et les mener à leurs termes. C’est pourquoi il est nécessaire de s’entrainer à toujours trouver un enjeu sur scène, et à le mener jusqu’au bout.

Tags: Techniques

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